Petit bilan du périple 2007 en Crète

 

La Crète est extrêmement courue. Il n'est pas d'agences de voyages qui n'y proposent un séjour de 5 à 6 jours à tarif forfaitaire. Chaque jour, ce sont des dizaines de charters qui déposent leur cargaison de touristes blèmes à Héraklion (Iraklio) Hania ou Sitia, auxquels s'ajoutent les passagers transportés par la ronde incessante des ferries venus du Pirée. Tous, à ce que je crois savoir, s'en reviennent enchantés. Nous avons donc voulu en avoir le coeur net.

Pour la première fois depuis plus de vingt ans, nous ne partions pas à bord de notre VW LT aménagé, qui venait juste d'être vendu. Nous allions voyager dans un CC tout fait, une petite cellule Moncayo 320 montée sur un Ducato 2.0L JTD acquise depuis peu en occasion. Nous ne la connaissions quasiment pas, et c'est peu dire que nous avions des inquiétudes quant au comportement, aux performances et à la consommation du porteur qui semblait sous-motorisé. Evacuons le sujet : ce véhicule est confortable, silencieux, facile à piloter, suffisamment performant et sobre, à condition de respecter la mécanique, qui est pointue et peu souple. Rester entre 2500-2700 tr/min quel que soit le rapport de boîte, donne une vitesse de 90-100 kms/h en pour une consommation de 9.6 l/100. Ce qui est très satisfaisant, et assez comparable aux résultats obtenus avec le LT, la souplesse en moins, évidemment : on est en effet très loin de l'onctuosité des 6 cylindres du 2.4L turbocompressé !

Nous sommes partis en famille fin juin 2007, sans savoir combien de temps nous passerions sur le sol crétois. Seuls impératifs : embarquer à Ancona le 2 juillet et ré-embarquer à Patras le 31 juillet sur le même navire. A l'exception du billet de passage aller-retour acquis auprès d' Euromer, rien d'autre n'avait été préparé, ni l'itinéraire, ni le lieu de passage Grèce-Crète, ni ce que nous voulions voir, ni la somme d'argent liquide à emporter... Au petit bonheur la chance.

Allons-y!

NOTA : En avant-goût, on pourra toujours consulter (ce que nous n'avions toujours pas fait) l'excellent article que   Wikipédia  , l'encyclopédie électronique du Libre, a consacré au sujet.

Mini Crete
Sitia
Brebis
Crete
Chapelle
  • Bilan Trajet :
    La distance totale parcourue s'élève à 5300 kms, dont 3000 kms environ d'autoroute en France, en Italie et un peu en Grèce. Les remarques déjà faites lors du  bilan Grèce 2005   sont toujours d'actualité. Deux péages en Italie, quatorze en France, qui nous ont coûtés 270 E (1768 F), soit 0.09 E/km (0.6 F/km).
    Autant les autoroutes italiennes Ventimiglia-Ancona, aussi bien par Piacenza que par la Spezia, sont roulantes, autant le saucissonnage de l'autoroute Toulouse-Vintimille est scandaleux : il s'agit en effet de payer pour perdre son temps dans les files d'attente des gares de péage.


  • Traversées Italie-Grèce-Italie et Grèce-Crète-Grèce:
    Ayant déja eu à traiter avec Euromer sis à Montpellier, nous avons acheté via internet le billet de passage à la compagnie qui faisait la meilleure offre à ce moment-là, à savoir 549 E . C'était Anek Lines que nous connaissions déjà
    Nous avons navigué sur l' Hellenic Spirit, en option "camping à bord", faussement baptisé "open deck" puisqu'on voyage dans un pont couvert (le 6°) pourvu d'immenses ouies d'aération, hélas en nombre trop restreint. Jamais nous n'avions subi à Ancona un embarquement aussi anarchique et aussi peu respectueux de l'option spécifique "camping à bord". Des voitures particulières et des poids lourds frigorifiques se trouvèrent placés près des ouvertures latérales qui apportent lumière, aération et vue sur la mer aux occupants... qui dormaient en cabine, alors que bien des CC étaient relégués dans la chaleur, le bruit et le manque d'air. Le retour ne fut pas de meilleure qualité, au contraire : le bâtiment était quasiment en surcharge, avec trois files de véhicules garès à se troucher sur deux files prévues. L'angoisse!
    Pour traverser jusqu' en Crète, le choix du Pirée comme port de départ s'impose à la plupart : les compagnies y sont nombreuses et les rotations quotidiennes. Nous y étant rendus, nous apprîmes que le voyage s'effectuait de nuit, sans possibilité d'user de son camping-car et que le paiement se faisait en espèces (cash only, sir!) et non par carte bancaire. Les modalités ne nous plaisant pas, nous décidâmes de nous rendre sur le champ à Gythion, dans le sud des Péloponèse où l'embarquement était possible... une fois par semaine en cette période, le samedi à 16 heures. Ici aussi il fallut régler en espèces une somme de 349 E pour l'aller-retour sur le Mirtidiotissa d'Anen Lines, qui s'avéra être un vieux rafiot omnibus sentant l'huile lourde et fumant comme une locomotive à charbon. Mais on voyageait en grande partie de jour, et l'on fit escale à Cythère puis à Andikithira pour la plus grande diistraction des passagers sur le pont, qui attendaient de débarquer à Kissamos à 23 heures.
    Le coût des traversées, pour 3 personnes et un camping-car de moins de 5.5 m de long, aura donc été de 898 E, soit 5900 F. Cela compte dans un budget de vacances.


  • Carburant :
    La consommation en gazole d'un CC varie en fonction de la charge, du vent et, bien sûr, de la conduite, c'est une évidence qu'il convient quand même de rappeler. Sur autoroute, je me satisfais d'un 90~100 kms/h constant, parfois moins, et sur route seulement 80-90. Résultat, 510 litres de gazole ont été absorbés pour 5300 kms, soit une consommation moyenne de 9.6 l/100, ce qui est supérieur de près de 1 l/100 à que ce qui avait été nécessaire l'an passé en Sardaigne au bon vieux LT.
    Il a fallu débourser pour cela 542 E (3561 F), soit un prix au litre moyen de 1,06 E (6.98 F).


  • Coût global:
    Sans compter la nourriture, les campings (2 nuits en Crète, 5 en Grèce lors de la canicule), et les frais annexes ... le trajet autoroute+gazole+bateau coûte 1710 E (11235 F).
    L'approvisionnement, les fantaisies, les plaisirs, les repas dans les tavernas... ne sont volontairement pas comptabilisés. Quand on aime, on ne compte pas.


  • Itinéraire :
    Arrivant à Kissamos, au nord-ouest de l'île, il y a peu de possibilités : se diriger vers l'ouest et buter tout de suite sur la mer à Falassarna, ou parcourir toute l'île sur la côte nord pour atteindre l'extrême côte est , à Palekastro. Nous avons opté pour la première possibilité., c'est-à-dire pour Falassarna qui se dit la plus belle plage de Crète, voire de Grèce. Elle est vite atteinte. C'est une étendue de sable, en contrebas d'une côte rocheuse. Des rangées de transats et de parasols associés y sont alignés, sous un vent terrible qui balaie les hauteurs en soulevant des nuages de poussière. Des quads bruyants et des 4x4 de location y ajoutent encore. Nous venons d'entrer en contact avec la réalité de la Crète touristique du nord de l'île: vent, poussière, saloperies pétaradantes et parasols payants sur la moindre bordure de mer.
    Nous allons ainsi très vite apprendre qu'il faut absolument fuir les endroits réputés incontournables. Dans notre découverte cap à l'est, nous éviterons de nous attarder dans les grandes villes telles que Hania, Rethymon, Iraklio, ainsi que dans ce qui est trop renommé comme Agios Nikolaos. Parvenu à l'est, nous reviendrons sur nos pas avant de traverser l'île dans sa partie la plus étroite qui débouche sur Lérapetra, la ville la plus méridionale d'Europe. Nous longerons la côte sud très abîmée par des kilomètres de serres en plastiques jusqu'à Myrtos, minuscule et magnifique comme une perle fine inopinément trouvée. Retournant sur nos pas, nous suivrons encore le côte nord, pour de Rethymon plonger de nouveau plein sud sur Plakia, à travers les surpenantes ravines de Kourtialotis. De Plakia, une route spectaculaire nous ménera à Sfakia, où il n'est pas possible de s'arrêter sans payer. Nous en repartirons immédiatement par une route en lacets serrés, sans parapet, étroite, nous agrippant au levier de vitesses qui mouline entre première et seconde. Même un 2.8 L de plus de 150 Cv ne ferait pas mieux. C'est avec joie qu'on retrouvera Georgiopoulis aux eaux calmes sur la côte nord avant d'embarquer pour le retour en Grèce, qui nous accueillera avec un 39°-40° à l'ombre.

    Premier constat : les routes sont relativement bonnes. Une nationale récente double l'ancienne route qui parcourt la Crète d'est en ouest en longeant la côte nord. On y roule vite, mais on n'y voit rien. Il faut descendre sur l'ancienne voie pour traverser des villages à proximité de la mer. Quelques routes transversales ou côtières sud sont également très bonnes. Mais on aura tôt fait, dès qu'on s'éloigne des grands axes, d'emprunter des routes qui rétrécissent brusquement dans les villages au point de ne plus permettre le croisement. Gare aux manoeuvres à reculons, et aux devers qui déportent les capucines vers les arbres ou les balcons... D'autres fois, ce seront des pentes hallucinantes qui mènent si rapidement à la mer qu'on craindra ne jamais pouvoir remonter sans détruire un embrayage, comme la route pour chèvres qui conduit à Mochlos par exemple. Non : la Crète n'est pas faite pour les camping-cars, surtout pas pour les monstruosités actuelles, à empattement long et porte-à-faux déraisonnable.


  • Usines à touristes :
    L'île compte environ 600.000 habitants, auxquels s'ajoutent 2.500.000 touristes, qu'il faut choyer, nourrir, distraire et traire Des complexes hôteliers, des résidences de vacances, des bars, des restaurations rapides, des boîtes à gesticulations, des officines de locations d'engins, des parcs de loisirs nautiques, des plages quadrillées, surveillées, louées, tarifées, des machins, des trucs, des bidules qui n'ont rien de crétois... occupent une grande partie du littoral du nord de l'île. Tout ce monde accouru cuit au soleil, se déplace en bus, à scooter, en quad, en Samuraï Suzuki, en goupes bruyants, autonomes ou accompagnés de guides polyglotes. Ça déboule de partout, soulevant de la poussière, faisant des acrobaties, parfois défilant en longue file docilement cornaquée vers la chose qu'il est indispensable d'avoir vue, touchée, goûtée... Bref : l'usine tourne à plein pour une industrie d'excellent rapport. On croit entendre sonner les euros trébuchant des escarcelles vacancières dans les coffres-forts des professionnels du tourisme. Evidemment, les prix moyens de la vie courante s'en ressentent : tout le monde veut puiser sa part dans le pactole qui coule abondamment.
    Mais soyez rassurés : ceci est particulièrement vrai de Hania à Agios Nikolaos seulement. Ailleurs, et en beaucoup d'endroits, la foule a disparu, avec son tintamarre et son clinquant. Les paysages redeviennent beaux, voire grandioses


  • La circulation :
    Pas de problèmes particuliers.
    Sur les grands axes, ce qui vaut en Grèce vaut également ici : la bande d'arrêt d'urgence est utilisée pour se rabattre afin de se laisser doubler. On vous le rappellera à fortes klacsonnades si vous l'oubliez.
    Les routes secondaires nécessitent en revanche plus d'attention, car elles peuvent rétrécir brusquement, ou bien les oliviers alentours peuvent y déborder au point de vous obliger à circuler sur le milieu de la chaussée avec les conséquences qui en découlent. Un virage peut cacher un troupeau de chèvres en liberté, ou un pick-up de paysan arrêté sans façon.
    Dans les agglomérations, où les rues sont généralement étroites et très encombrées, il faudra slalomer en roulant au pas. En effet, de la même manière que le paysan laissait son âne dans une rue afin de vaquer, il laissera aujourd'hui son gros 4x4 en plan. Tous et chacun faisant la même chose, certains minuscules villages sont encombrés au point qu'on n'y voit pas d'autres véhicules que ces pick-up... Et l'on se dit que si l'argent de l'Europe a transformé la vie des Crétois, il aussi beaucoup alimenté l'industrie automobile asiatique.


  • L'usage libre du camping-car :
    Il y a très peu de camping-cars en Crète, peut-être parce que l'accès n'y est pas facile et parce que la configuration géographique n'y favorise pas la circulation des gros gabarits actuels. Tout au plus y croise-t'on quelques italiens, toujours sympathiques et chaleureux.
    En théorie, le camping "sauvage" est interdit, et tout le monde doit utiliser les équipements prévus à cet effet, évidemment hors de prix, comme beaucoup d'autres choses ici. En réalité, il y a loin de la loi à son application. On peut librement stationner, vivre et dormir partout dans son camping-car dans la mesure où aucun signe ostentatoire de camping n'est affiché : pas d'auvent déployé, pas de fauteuils, ni de table sortis, pas de linge séchant sur l'égouttoir mobile, pas d'eaux usées répandues sur la chaussée... C'est une question de bon sens
    Il n'y a pas non plus de ces concentrations manouchesques comme on en trouve tant ailleurs, ce qui favorise sans doute de la part l'autochtone l'acceptation du camping-car. La seule concentration que nous ayons vue se situait près de la plage Kourmenos de Palekastro. Cet endroit venté en permanence est mentionnée dans le Guide du Routard, en conséquence de quoi tout ce qui est véliplanchiste français se rend sur les lieux ("incontournables"), et s'y comporte en terrain conquis. Ces gens sont hautains et d'un sans gêne arrogant, monopolisant les rares tamaris du lieu pour y étaler leur matériel de glisse et de camping. Si vous allez vous y asseoir pour bouquiner à l'ombre et à l'abri du vent, on vous jettera des regards de molosse à qui l'on tente de dérober une rognure. Ce doit faire partie de l'exception française dont se gargarisent les imbéciles, cette morgue insupportable, je suppose.


  • La sécurité :
    A aucun moment le sentiment d'insécurité ne s'est manifesté pour nous. Des quads, des scooters, des véhicules aux fenêtres ouvertes sont laissés sur place, de jour comme de nuit, pour que peu que ce soit loin des grands centres et des usines à distractions pour touristes. Toutefois, nous avons été caillassé vers 3 heures du matin sur un parking municipal, en bord de mer, à Pahia Amos. S'agissait-il de Crétois qui avait eu à subir les méfaits de quelques touristes indélicats, ou de touristes émêchés quittant une boîte de nuit proche? Mystère. Toujours est-il que nous avons ramené de ce voyage deux trous d'éclatement importants dans le polyester de la cellule, et une certaine appréhension nouvelle au moment de s'arrêter pour bivouaquer. A cela s'ajoute la détérioration des deux serrures de cabine qui furent forçées la première nuit des vacances, à Menton, alors que nous étions endormis. Mais l'intrusion n'a pas eu lieu, ni le vol, parce que nous avons été réveillés (adieu, légende du gaz soporifique) et parce que j'avais sécurisé les portes avec des loqueteaux. En 33 ans de pratique, c'est la première fois que pareille mésaventure nous arrive.

    Nous continuons néanmoins à penser que la Crète, comme la Grèce en général, est sûre.


  • Les idées reçues :
    La Crète est productrice d'huile d'olive, et de la meilleure qui soit. Il y a en effet beaucoup d'oliviers, de 30 à 50 millions de pieds selon des sources différentes. On doit donc, logiquement, trouver de l'huile bon marché en quantité. Hé bien non : l'huile en bouteille est aussi chère qu'en France, sinon plus. L'huile de marque Sitia est la même que celle que l'on trouve à meilleur prix chez Auchan par exemple
    La Crète produit des centenaires à ne plus que savoir en faire, comme chantait Ferrat dans "La Montagne". Hé bien non : si l'on rencontre de ci de là quelques beaux vieillards, ils ne paraisent pas pour autant extraordinairement âgés. Dans un cimetière où l'âge des défunts est inscrit sur les tombes, j'ai relevé quatre nonagénaires (95~96), aucun centenaire, et la majorité d'octogénaires (83 en moyenne). Rien d'anormal donc.
    Le régime crétois maintient une population svelte et gaillarde en bonne santé, Hé bien non : le régime crétois semble être une invention de vendeurs d'oméga 3. Les crétois se nourrissent mal, consomment des boissons sucrées à tout moment de la journée et se déplacent presqu'uniquement par des moyens motorisés. Hommes, femmes, enfants et nourrissons sont obèses pour la plupart, et je doute qu'ils échappent aux accidents cardio-vasculaires prématurés.


  • Conclusion subjective :
    L'investissement pour visiter la Crète en camping-car est important. On s'attend donc à être émerveillé à hauteur des efforts pécuniaires consentis. Il n'en est rien. Du moins pour nous, il n'en a rien été.
    Certes, la mer est bleue et cristalline, le climat tempéré quoique trop venteux à notre goût, le soleil omniprésent, la montagne grandiose... Mais il y manque cette gentillesse des Grecs, ou des Sardes, cette bonne humeur qui règne sur le continent et qui vous enchante pour le restant de l'année. Les Crétois nous ont paru renfrognés, vraiment pas amènes. Ainsi, jamais ne vous remercieront-ils lorsque vous vous rangez pour les laisser passer lors d'un croisement difficile, jamais ne vous salueront-ils en montagne lorsque vous les rencontrez.
    Toutefois, il ne convient pas de généraliser. A Myrtos, des Italiens se sont embourbés dans le lit d'une rivière asséchées. Un Crétois passant par là à bord de son pick-up se propose immédiatement de les tirer d'embarras, et y parvient rapidement. En montagne, nous déjeunons à l'ombre du seul arbre de la contrée en bordure de route. Un vieillard passe, entre dans l'orangeraie proche, et en ressort avec de magnifiques fruits qu'il nous offre sans un mot.
    Ceci compense cela.





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