Petit bilan du périple 2005 en Grèce

 

Après avoir parcouru quatre fois la Grèce en LT aménagé, la première fois en 1988 et la dernière en 2005, il m'a semblé utile d'établir un bilan afin de pouvoir répondre objectivement (si la chose est possible!) aux questions que mes amis curieux ne manquent jamais de me poser.
En prologue, disons que bien des choses ont changé, et que d'autres semblent immuables. Tant mieux d'ailleurs, parce que je crois que celles-ci constituent l'âme de la Grèce. Et qu'adviendrait-il d'un pays qui perdrait son âme?

Mini Ile
Thermopyles
Port
Bain
  • Bilan Trajet :
    La distance totale parcourue s'élève à 5328 kms, dont 900+900 kms d'autoroute en France, et 700+700 kms d'autoroute en Italie. On peut déjà constater que:
    Autoroute France : le trajet Bordeaux Toulouse Montpellier Aix Menton nécessite 8 péages, et, bien sûr, autant au retour, pour une somme de 179 Euros et 1800 kms, soit 0,099 E/km.
    Autoroute Italie : à l'aller, le trajet Ventimiglia Genova Piacenza Parma Ancona nécessite 2 péages, et au retour, celui de Ancona Parma La Spezia Genova Ventimiglia ne demande qu'un seul péage! Le tout pour la somme 91.5 Euros et 1400 kms, soit 0,065 E/km.

    Il résulte que les multiples octrois (pour ne pas dire : rackets) français mettent notre trajet autoroutier 1,5 fois plus cher que le trajet italien. Notons aussi qu'il est convenu en France de se gausser de la pagaille administrative transalpine ainsi que de son esprit maffieux, mais en l'occurrence, force est de reconnaître que la rigueur de gestion et la mise à l'amende systématique de l'automobiliste ne se trouvent pas du côté que l'on croit.


  • Traversée Italie-Grèce-Italie:
    Comme nous avions déjà utilisé les sevices de Minoan et Ventouris avec réservation auprès de Navifrance, nous avons opté cette fois-ci pour Anek Lines, avec réservation auprès de Euromer, agence efficace et sérieuse. L'aller Ancona-Igoumenitsa s'est effectué sur l'Hellenic Spirit, et le reour Patras-Ancona sur l'Olympic Champion, en option "camping à bord" sur chacun, faussement baptisé "open deck" puisqu'on voyage dans un pont couvert (le 6°). Ces deux bateaux sont identiques, mais le service diffère. Sur l'Olympic, le placement des camping-cars eut lieu en dernier, lorsque des semi-remorques eurent bouché les arérations dévolues à l'"open-deck"; de plus, des véhicules particuliers avec chiens aboyeurs et alarmes intempestives prirent place sur ce pont, ce qui fut loin d'agrémenter une traversée sans air, bruyante, étouffante avec une chaleur de 38° au beau milieu de la nuit. Nous n'avions pas eu à déplorer ce type de parquage sur l'Hellenic.
    Quoiqu'il en soit, l'aller et retour réservé au même moment, + frais de dossier, se monte à 417,25 Euros (2742 F).


  • Carburant :
    La consommation en gazole du LT varie en fonction de la conduite, c'est une évidence qu'il convient quand même de rappeler. Sur autoroute, je me satisfais d'un 110 kms/h constant; une fois sur place, je visite, je flâne, je musarde le bras à la portière à 70-80, pas plus. Résultat, 496 litres de gazole ont été absorbés pour 5328 kms, soit une consommation moyenne de 9,3 l/100.
    Il a fallu débourser pour cela 516 Euros (3390 F), soit un prix au litre moyen de 1,04 E (6.83 F). A noter qu'en Italie et en France, sur autoroute, le prix moyen est de 1.15 E (7.55 F), et qu'en Grèce, en station service, il était courant de payer le litre de gazole 0,88 E (5.78 F). Faites vos comptes!


  • Coût global:
    Sans compter la nourriture, les campings (9 nuits sur 35), les restaurants (tavernes), les babioles, les frais annexes ... le trajet autoroute+gazole+bateau coûte 1204 Euros (7910 F).
    C'est incompressible, à moins de s'y rendre en patinette.


  • Itinéraire grec :
    Rien n'est programmé par avance, on flâne.
    Igoumenitsa, Parga, Messopotamo, Preveza, Vonitsa, Amphilohia, Agrinio, Messolonghi, Patras, Egio, Xilokasastro, Kiato, Korinthos, Loutraki, Perahora, Alepohori, Psita, Vilia, Erithrès, Thiva, Halkida, Eretria, Amarinthos, Karistos, Halkida, Vahi, Athina, Megara, Isthmia, Nea Epidauros, Trahia, Fanari, Kaloni, Galatas, Ermioni, Kranidi, Kilada, Nafplio, Tripoli, Megalopoli, Kalamata, Messine, Koroni, Finikoundas, Methoni, Pilos, Giolava, Marathopoli, Filiatra, Kiparissia, Pirgos, Katakolo, Gastouni, Loutra Kilinis, Kilini, Lakopetra, Kato Alissos, Patras.


  • Coût de la vie :
    L'Europe a unifié la monnaie, mais aussi le prix des choses, ainsi que le goût et l'aspect pasteurisé de bien des denrées alimentaires. Dans les grands magasins AB, Spar, Champion, Lidl... la cellophane est omniprésente, et presque tout est aussi cher que chez nous, sinon plus.
    Heureusement, les grosses olives charnues, dont on se sert à la louche dans des bacs de bois, sont toujours présentes; les fruits et légumes non calibrés, à l'apparence rustique restent très bon marché et goûteux. D'ailleurs, on préfèrera les acheter directement aux producteurs, en bordure de route. Concombres, poivrons, tomates biscornues, énormes et croquantes, oranges de toutes tailles et bosselées, juteuses à point, pastèques, melons... sont vendus à des prix défiant toute concurrence : il serait dommage de s'en passer.
    En revanche, il est inutile de se précipiter sur l'huile d'olive, chère : on trouve en France des huiles de Crète de qualité à meilleur prix. On sacrifiera à la féta, chère, mais incomparable... et indispensable dans la salade.
    Les restaurants, tavernes et guinguettes pullulent, partout, même dans les endroits les plus inattendus, avec tables et chaises sur les trottoirs, ou en terrasses ombragées surplombant la mer. Familialement fréquentés le soir jusqu'à des heures avancées de la nuit, ces établissements sont une institution qui remplissent les rues d'odeur de grillades et de vie jubilatoire. On dit que les Grecs sont les européens qui dînent le plus hors de chez eux : c'est vrai. De retour en France, vous avez le sentiment d'entrer dans un cimetière tant la vie y est absente dans les rues après 20 heures. Cependant, le prix des repas en taverne est en constante augmentation, bien qu'il reste encore abordable.
    Le carburant est un peu moins cher, les autoroutes (Halkida-Athina-Korinthos, par exemple) ne coûtent quasiment rien. Il y a cependant des arnaques manifestes comme le pont de Patras (25,6 Euros), ou les ferries Igoumenitsa-Corfou, payables uniquement en liquide (cash only, please) à 56 Euros l'aller, et autant au retour, pour un CC de moins de 5 m.


  • Parc automobile :
    Le temps où l'on croisait des ânes montés sur les routes de montagne, ou des motoculteurs avec la famille entassée sur le banc de bois de la remorque, ou des pick-up 4x2 japonais, ce temps est en cours de disparition, pour ne pas dire qu'il est carrément révolu.
    Les Grecs roulent beaucoup en Mercedes et BMW mais surtout en très gros 4x4 asiatiques. Quant aux agriculteurs, ils vont pour la plupart dans des pick-up 4x4 rutilants de chrome. Les voitures françaises ne sont pas légions : quelques Citroên et Peugeot, quasiment aucune Renault. Il faut dire que dans un pays qui a mis l'harmonie en équation sur la base du nombre d'or, on verrait mal que les habitants circulassent dans ces mochetés ambulantes que sont les Méganes, Scénic, Modus, Vel Satis et autre Avantime qui ont l'air cabossé au sortir des chaînes!
    Les Grecs sont civilisés, ils ont donc bon goût.


  • Le respect des lois :
    Ici, on a inventé la démocratie. Et une démocratie est garantie par un ensemble de lois que chacun se doit de respecter.
    Les Grecs respectent les lois, bien sûr, mais on constate cependant que si le port de la ceinture de sécurité est obligatoire, personne ne la boucle; que s'il est interdit de rouler sur la bande d'arrêt d'urgence, tout le monde l'emprunte pour faciliter un dépassement; que si le camping "sauvage" est prohibé, il est en fait largement accepté, et sans doute jamais sanctionné; que si le camping est interdit dans les dunes et pinèdes, il n'est pas un week-end sans que les Grecs n'y plantent la tente, ou la caravane (parfois à demeure) sous l'oeil passif de la police et des pompiers qui veuillent au bien-être de ces braves gens; que si un véhicule se doit d'être identifiable, on en voit rouler sans immatriculation, ou sans phares, ou rendus à l'état de dentelle de rouille (vous avez dit : contrôle technique?)...
    Et que dire du stationnement en double ou triple file, le temps d'acheter le journal? Ou de l'arrêt en pleine rue pour discuter avec une connaissance, sans que dans la circulation interrompue un molotru se laisse aller à une klaxonnade incongrue?
    On sait vivre, en Grèce, avec bonhommie, dans un joyeux bazar qui démontre un amour immodéré pour la liberté, ainsi qu'une bienveillance à l'égard d'autrui peu commune. Pourvu que ceci ne change jamais!


  • La vie de famille :
    Est-ce dû à la religion orthodoxe qui a préservé l'identité grecque pendant les quatre siècles d'oppression ottomane, toujours est-il que la famille semble être l'entité inébranlable et sacrée de la société.
    Il n'est que de regarder les gens flâner le soir, ou se rendre à la plage : ici, pas de jeunisme destructeur. Toutes générations confondues, du dernier-né à l'aïeul, on se promène ensemble, on pique-nique ensemble, on dîne à la taverne ensemble, on bronze et on se baigne ensemble. Rarement il est donner de voir des grands-parents accorder autant d'attention aux petits enfants, leur parler, jouer avec eux, les prendre par la main, les porter... les construire dans l'amour.
    On sent bien que des relations solides et vraies existent, qui tendent un tissu familial fait d'un respect allant de soi, où s'expriment des affections réciproques. Ce faisant, les Grecs sont en phase avec l'orthodoxie qu'ils pratiquent au quotidien pour la plupart d'entre eux. Il suffit de s'asseoir dans la pénombre d'une église pour constater combien est vivante la dévotion grecque.


  • Troisième âge :
    Si le troisième âge en France est celui où l'on se trouve projeté sans recours dans l'anti-chambre de la mort, en Grèce, il est l'âge qui fait de vous un ancien. C'est-à-dire quelqu'un qui a une vie sociale et affective, vécue au grand jour et non dérobée aux jeunes regards derrière des murs d'asiles.
    Les anciens, on les voit partout : au bar, à la taverne, sur le port, à l'église, à la pêche, à la plage... non pas tristes et seuls, mais le plus souvent en grande discussion. Ils existent, et ils le manifestent.
    Les anciennes, elles, semblent accomplir un rite : soir et matin, par groupe de trois ou quatre, elles se rendent à la plage. Le temps de se mettre en tenue de bain, d'autres groupes arrivent. Et tout ce beau monde se précipite à l'eau, nage, rigole, parle fort, et s'immmobilse si bien qu'à la fin on ne voit plus que des chapeaux ou des bobs comme autant de ballons bavards posé sur la mer.
    Ailleurs, pendant ce temps, on avale des pilules en prenant rendez-vous chez un médecin.
    C'est pour cela que j'aime la Grèce : parce que la vie n'y est pas interdite de séjour. Je crois qu'on peut dire qu'il s'agit là d'un signe évident de civilisation. Quand le signe est absent, on peut parler de barbarie. Ce signe est-il encore visible chez nous?


  • Et les ruines? :
    Il y en a, et de belles, qui témoignent d'un passé grandiose, bien antérieur aux Romains, aux Byzantins, aux Francs, aux Vénitiens, aux Génois et aux Turcs qui ont foulé et piétiné la Grèce. On peut ne pas les voir toutes, mais Delphes, Epidaure, Dodone ou Athènes sont "incontournables" pour qui veut s'émouvoir sur nos origines culturelles profondes. Car, en une époque où chacun glorifie ses racines, il serait bon que notre occident se souvienne qu'il doit tout aux Grecs : théâtre, philosophie, mathématiques, fables, architecture, politique... Il n'est pas un de ces domaines qu'un nom grec ne vient illuminer : Esope, Hérodote, Euclide, Pythagorre, Thalès, Praxitèle, Epicure, Aristophane, Apollonios, Socrate, Platon, Aristarque de Samos, Sapho, Sophocle, Eschyle, Euripide, Homère, Solon, Euphronios, Palamède, Archimède, Périclès, Phidias... j'en passe et des tout aussi remarquables.
    C'est également pour cela que j'aime la Grèce : parce qu'elle a développé les pensées spéculative, artistique et scientifique qui ont fondé notre société occidentale, si décriée par ceux qui en jouissent, et si convoitée par ceux qu'opprime leur théocratie obscurantiste.


Allez en Grèce, vous n'en reviendrez pas.




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